Le premier « châtelet » de la fin du XVIe siècle, érigé par Thomas Duchat, ne semble avoir été qu’une grande maison campagnarde sans attrait particulier. C’est au XIXe siècle, et sous l’impulsion du député Charles Joseph de Bouteiller (1826 – 1883), que l’ancienne et modeste demeure seigneuriale fut remaniée et agrandie d’un important corps de logis dans l’esprit du style classique français construit en pierre de Jaumont, la pierre jaune soleil de la région de Metz. Couronné d’un toit à la Mansart, il dominait le riche parc paysager à l’anglaise, enrichi de nombreuses essences rares, de chemins de promenade et de statues.
C’est seulement au début du XXe siècle que le nouveau châtelain, le riche industriel allemand John von Haniel, fit donner à sa demeure sa silhouette actuelle. Ce rêve architectural, ce Moyen-Âge idéalisé, est le fruit du mouvement que l’on appelle « l’historicisme », hommage tardif à tous les styles antérieurs. C’est dans cet esprit poétique et romantique que furent construits ou remaniés le château de Pierrefonds (Viollet-le-Duc), Neuschwanstein (Louis II de Bavière), ou encore l’excentrique palais gothique de Fonthill Abbey, propriété de l’écrivain anglais William Beckford.
A partir de 1903, le bureau d’architectes Arndt & Kutzner de Metz est chargé de compléter la substance existante par une nouvelle aile, également en pierre régionale, où se mélangent fronton Renaissance germanique, putti baroques, ferronneries XVIIIe siècle dans le goût de Jean Lamour et fenêtres Art-Nouveau.
Alors que ces travaux ne sont pas encore achevés, Haniel fait la connaissance de l’architecte berlinois chéri de l’empereur Guillaume II, Bodo Ebhardt, chargé de la restauration et de la reconstruction du patrimoine architectural médiéval : le Haut-Koenigsbourg en Alsace, la forteresse de Coburg, le Marksburg sur le Rhin, le château de Czocha en Silésie, etc.
Ebhardt enrichit alors le bâti existant par un imposant donjon carré, situé à l’Est, dans un style que l’on pourrait qualifier de « normand », ainsi que d’un beffroi élancé dans l’esprit de la Renaissance allemande. Culminant à près de 50 mètres, cette tour majestueuse est pratiquement une copie conforme de celle qui couronne le château de Ronneburg, en Hesse/Allemagne. On pense à tort voir du grès des Vosges. Haniel voulait de la pierre de sa terre natale ! Possédant de très importants moyens, il fit livrer les matériaux des carrières de Büren, près de Paderborn, et de celles de Kyllburg, au nord de Trèves. On reconnaît ce grès à sa coloration rose-gris et à son grain serré, celui de nos régions étant plus rouge sang (Poste de Metz).
Le but avoué du propriétaire, ainsi que de l’architecte, avait été de créer une sorte d’encyclopédie des éléments de style divers des châteaux allemands, une illustration grandeur nature de la culture du « Deutschtum ». Ainsi, chaque ouverture, chaque fenêtre, chaque linteau est différent, puisant son inspiration dans la riche grammaire architecturale d’Outre-Rhin.
De plus, John von Haniel – et ce n’était un secret pour personne – était membre divers cercles ésotériques, initiatiques et maçonniques.
C’est ainsi qu’il fit enrichir sa résidence de nombreuses sculptures symboliques pour en faire une demeure philosophale, sans pour autant égaler, par exemple, le palais de la Quinta da Regaleira à Sintra, au Portugal.
Pour celui qui sait voir et « connaît », un riche univers lui dévoile ses secret. Une exploration passionnante…
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Institut Norbert Vogel
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